Le jeune homme se trouvait au dernier étage de la bibliothèque. Autour des tables étaient assises plusieurs personnes, mais lui était le seul debout sur un petit tabouret à regarder les titres des ouvrages placés tout en haut des étagères. Cela faisait déjà un quart d'heure qu'il en cherchait un parmi la tonne de livres qui s'y trouvaient. Mais en réalité, il ne cherchait pas vraiment, il farfouillait. Comme si il avait besoin d'une excuse pour rester ici, dans cet endroit paisible et silencieux, dont l'atmosphère sereine était à ses yeux quelque chose d'incroyable. Il y passait au moins une soirée par semaine, pour décompresser. Un des rares moments où il était calme d'ailleurs, car il passait le plus clair de son temps à râler. A force, il finirait par ne plus avoir de voix, ahah.
Il saisit un livre à couverture rouge, au titre gravé en lettres d'or. Cependant, la couverture de « La petite fille en haut de l'escalier » sembla à ses yeux d'un gris morne, comme tout le reste. Alors, qu'est-ce qui lui avait plu en voyant ce livre ? Rien. Seulement, il ne l'avait jamais lu, contrairement à la plupart des oeuvres de ce genre, les thrillers. De toute façon, il avait juste besoin de lire, pour rester encore. Et puis, si ce roman pouvait lui donner des idées ou des pistes pour celui qu'il écrivait, ça aurait été magnifique. Soudain, il se sentit épié. Il regarda autour de lui, mais aucune des rares personnes qui présentes ne le regardait. Toutes étaient plongées dans leur lecture, hapées par l'histoire, passionnées par l'intrigue.
Il souffla, visiblement énervé. Quel idiot, cette sensation d'être observé, ce n'était que son imagination. Il ne parvenait pas à se détendre ce soir-là, décidément. Déjà dans la journée, il n'avait fait que rembarrer les gens. Et visiblement, il n'avait pas eu son compte. Si quelqu'un l'avait véritablement observé de la sorte, il ne se serait pas gêné pour le remettre à sa place. Mais ce n'était apparemment pas le cas. Il se tourna à nouveau vers le livre qu'il tenait, mais glissa un nouveau regard vers le bas. Il y avait à la table près de lui une jeune femme. Captivée par un roman. Il resta quelques secondes à contempler ses longs cheveux clairs. Ils devaient être blonds très clairs, car à ses yeux d'achromate ils étaient d'un blanc éclatant. Ils semblaient briller. Rêveur, il en laissa tomber son livre, et perdit l'équilibre en voulant le rattraper au dernier moment. Il s'agrippa à l'étagère du dessous, en entraînant d'autres dans sa chute. Il se retrouva au sol, et pesta, comme à son habitude.

« Merde, fais chier. » chuchota-t'il, plutôt fort.

Il leva les yeux, et vit que la jeune femme le regardait.

Géné, il fit de son mieux pour ne pas rougir. Quel con, vraiment. Non seulement il se cassait la gueule devant une fille, mais en plus il la laissait ramasser les livres que LUI avait fait tomber.
« Ne... Ne vous dérangez pas mademoiselle ! » s'écria-t'il.
Il voulut tendre un bras pour prendre les livres qu'elle avait ramassés, mais une douleur dans le bas du dos l'en empêcha. Il étouffa un juron. D'habitude, il aurait bien évidemment gueulé comme un sagouin, mais il était dans une bibliothèque, et en présence d'une demoiselle. Et Koby respecte les demoiselles encore plus que les bibliothèques. Parce que bon, tu peux toujours essayer de séduire une étagère de livre, mais c'est pas dit qu'elle soit réceptive. Tandis qu'une femme... Enfin bref. Tout ça pour dire qu'il grommela un petit "fais chier" dans sa barbe, et se massa le dos. Et un hématome pour le petit Koby, un ! Sérieusement, qu'avait-il fait pour mériter une journée aussi pourrie ? Le matin, il avait cru réussir à dompter ses mèches rebelles, avant de se ramasser la tronche en trébuchant sur le tapis de sa chambre. Et pas de colocataire pour justifier l'infâme bordel qui régnait dans la pièce. Il avait donc enchaîné la "magnifique journée qui commençait" par une bonne heure de rangement. Un dandy ne vit pas dans une porcherie, pas vrai ? Après quoi, il était allé en ville manger, mais s'était rendu compte qu'il n'avait pas prit son argent. Que fais-t'on dans ces cas-là ? Et bien on rentre, sans aucune chance de séduire une belle inconnue en lui offrant un verre. Il avait mal au pattes, il mourrait de faim et il était déjà bien énervé, sans qu'un clebs ne le course jusqu'à l'académie. Et puis surtout, comble de l'horreur, une mouche était entrée par la fenêtre et l'avait réveillé alors qu'il faisait sa sieste quotidienne. Vraiment irrité cette fois, il avait fini par se rendre à la bibliothèque, seul endroit calme où il ne pourrait rien lui arriver de ce genre.
Et voilà qu'il se blessait. Non mais sérieux, vivement le lendemain.
Quoi que, il avait de la chance dans son malheur. Le sourire de la demoiselle valait bien un bleu. Mais bon, ça faisait un peu mal quand même...
Il massa l'endroit douloureux et se releva difficilement, après quoi il releva doucement la jeune femme en la prenant par la main.
« Excusez-moi de vous avoir dérangée en pleine lecture, mademoiselle, murmura-t'il pour ne pas déranger plus de gens. Je ne suis vraiment pas doué... »
Il tenta de sourire, mais c'était trop compliqué pour quelqu'un d'aussi froid que lui. Même les beaux yeux d'une demoiselle n'effaçaient nullement sa souffrance. Il essaya tout de même de paraître amical.
« Je ne me suis même pas présenté... Je m'appelle Koby. » reprit-il en tendant une main.