Des larmes t'assaillaient le visage, heureusement que tu ne te maquillais pas. Tu as beau les chasser d'un revers de main, ça ne suffit pas. Elles reviennent encore et encore. Tu cherches un endroit où fuir la réalité, ta réalité. Il n'est donc pas question que tu retournes chez toi, là où ton bourreau t'attend. Oui, ton propre frère. Le voir à nouveau dans les bras d'une femme, tes nerfs ont lâchés. Tu as couru comme tu as pu, loin de votre maison. Tu n'avais même pas fait attention que tu étais arrivée devant le parc. C'était déjà bien que tu ne te sois pas ramassées sur le bord de la route avec tes talons aiguilles. Tu n'en peux plus, il est tard, tu es fatigué et tu pleures encore. Tu te trouve pathétique.

Tu t'adosses à un réverbère. Tu respires lentement, ton nez est irrité à force de te moucher, tu essuie tes yeux. Regarde toi: ta chemise blanche est froissée, ta jupe noire de travers, tes collants filé. Tu te calme un peu, ce n'est pas comme si tu n'étais pas habituée. C'est juste que tu n'arrives pas à garder ton sang-froid. Parce que non tu n'es pas en colère contre ton jumeau mais contre toi. Cet amour insensé te mets hors de toi. Tu serres les points. Tu te retournes et tu frappes ce malheureux lampadaire. Tu frappes encore et encore jusqu'à te blesser. Ça fait mal mais au moins tu n'auras frapper ton frère, pour une fois. Tu sors un mouchoir de ta poche pour essuyer le sang qui s'échappe de ta main droite meurtrie, c'était le dernier.

Tu ne peux pas rentrer, pas encore. Travailler demain ? Tu ne sais pas si cela sera faisable. Tu en as marre, marre de tout comme une jeune adolescente rebelle. Malgré tes vingt-quatre ans tu agis toujours comme une enfant quand tu es en colère. T'as juste envie de tout plaqué et de vivre ailleurs. C'est possible, tu peux quitter la ville quand tu veux. Aller à Paris, à New York, à Moscou, loin de lui. Ce n'est même pas envisageable, tu ne pourras jamais te séparer de lui. Vous êtes venus au monde à deux, vous finirez à deux. C'est peut-être pas très logique mais la tienne et personne ne pourra la changer. Tu te mets à marcher, tu n'as que ça à faire de toute façon. Tes pieds te font mal, tu retires tes chaussures et tu les gardes à la main. De toute manière, tes collants sont déjà filé alors foutu pour foutu … Tu t'amuses à marcher dans l'herbe, c'est si doux et agréable par rapport à ces cailloux blancs qui habillent les chemins du parc. Tu commences à apprécier la douce brise du soir qui te lancine doucement les joues. Elle fait partir ta douleur qui te serre le cœur.

Les étoiles sont jolies ce soir. Peut-être que lui aussi les regarde. Tu traverses un buisson, les brindilles craquant sous tes pas. Tu te trouves face-à-face avec une personne. Surprise. Tu la regardes avec des yeux ronds. Une jolie femme en robe blanche. Un blanc qui contraste avec ce paysage nocturne. Elle te souris, pas toi.


Ta voix était un peu tremblante et tes yeux devaient être encore rouges. Tu t'extrais du buisson, chassant les feuilles qui se sont emmêlés dans tes cheveux. Elle était adossé sur un banc mais ça ne t'empêchait pas de t'apercevoir de sa grande taille. Ça tombe bien, tu n'avais pas forcément envie d'être toute seule.


Bien sûr que non ça ne te dérangeait pas de rester avec une inconnue. Et puis quoi, tu as vraiment besoin de te changer les idées. Tu as un peu chaud, vu la course que tu t'es tapée tout à l'heure ce n'est guère étonnant. Non le plus étonnant c'est que tu ne te sois pas foulée la cheville plus tôt. Tu aperçus ses glaces, tu les pointas du doigt.


Tu fouilles dans tes poches, tu as toujours de la monnaie sur toi. Hélas pas ce soir on dirait. AH oui c'est vrai, c'est la jupe que tu as lavé hier, tu as oublié de remettre de l'argent dedans. Te voilà confuse. Tu lâche un sourire maladroit.

Tu rattrapes le présent de cette femme, étonnée qu'elle t'en donne une. C'est froid, ça te fait du bien. Tu lui souris enfin.


Sa voix … N'était pas du tout comme tu t'y attendais. Une voix rauque. Aurait-elle trop fumé ? Possible.


Une petite voix timide. Tu poses tes chaussures sur le banc puis tu t'assois à côté d'elle et tu défais l'emballage aussi rapide que la lumière. Peut importe le goût, tu les aimes toutes. Tu les considères comme des morceaux de bonheur cristallisé sur un bâton en bois. C'est froid. Normale c'est une glace mais ça te tue les dents. Tu lâches un petit cris de souris en plissant les yeux.


Ah bien y réfléchir, elle n'avait pas l'air d'avoir une voix de femme. Elle n'avait pas de seins non plus, oui certes cela existe les femmes qui n'ont pas de gros bonnets mais il y a tout de même une limite. Et puis qui t'a dit que c'était une femme ? Personne. Ah si, ses vêtements peut-être. A part ton frère qui essaye tes tiens… Tu vois rarement des hommes porter des robes. Après tout, chacun fait comme il veut. Ça ne te dérange pas, ce n'est pas comme tu ne faisais pas du travesti toi aussi. A force d'avoir les yeux rivés sur lui tu en oublies de lui répondre. Tu regardes en l'air.


Tu adores les regarder depuis ta tendre enfance, main dans la main avec Masa. Un petit air de nostalgie vient se poser sur ton visage. Tu ne savais pas quoi dire d'autre, tu étais confuse de ne pas poursuivre davantage la conversation. Tu te contentes de manger ta glace en silence. Tu relèves une de tes mèches qui te barrait la vue. Ah … Tu n'aimes pas le silence. Tu t'apprêtais à lui dire quelque chose mais il ne t'en a pas laisser le temps.


Tu le regardes stupéfaite. Avec des yeux rond comme des billes. Tu lui souris avec la glace à la bouche. Tu avais envie de la finir avant. Elle était bonne, tu aurais du regarder la marque de l'emballage pour aller en acheter d'autre. Ah ça y est, tu as finis par deviner le goût.


Tu admires le bâtonnet qui est tout propre à présent. Mana, dévoreuse de glace pro. Tu lui met le petit bout de bois sous les yeux de ton interlocuteur. Les sourcils froncés.


Puis tu le casses en deux, d'un coup bref. Tu te retrouves avec un morceau dans chaque mains. Tu les mets à la poubelles située à côté du banc. Tu te rassois, les jambes croisées, un coude posé sur tes genoux soutenant ta petite tête truffée de cheveux verts. Tu la regardes droit dans les yeux.


Tu te lèves et tu remets ta jupe bien en place et ton chemisier à l'intérieur. Tu secoues le peu de poussière qui s'est déposée sur toi. Tu regardes tristement tes collants, tant pis pour eux, tu ne peux rien faire pour eux. Tu souris à l'inconnu, tu mets tes bras sur tes hanches, tu affiches un air fière. Comme si tu venais de gagner une compétition de catch.


Tu retournes t'assoir et t'appuyant sur le dossier, tu le regardes toujours droit dans les yeux. Elle a de jolis yeux. Le chagrin envolé, le sourire retrouvé. Tu lui appuis sur la joue avec ton index, tu aimes bien la couleur de sa peau.


Tu as la langue qui s'agite beaucoup ce soir. Une légère brise vient agiter les branches des arbres, une toute petite brise et pourtant, elle en fait du bruit. Elle ne balayait pas ta jolie frimousse pleine de joie. Oui, tu trouves cette personne amusante.